Être volontaire, c’est…

Ce dossier est tiré du numéro 140 du magazine Transitions.
S’engager auprès d’une organisation locale, vendre dans le cadre d’une récolte de fonds, faire des animations dans les écoles, manifester dans la rue, organiser des collectes de biens, donner des cours de soutien scolaire, participer à des opérations de nettoyage d’espaces naturels, … tout cela sans rémunération. Mais être volontaire, ce n’est que ça ? Ou y a-t-il d’autres dimensions à cet engagement ?
En fait, le volontariat représente bien plus qu’une simple contribution bénévole. Il renforce le tissu social, accroit le capital social, dynamise l’accessibilité aux services associatifs et offre des avantages personnels. Afin d’illustrer ces multiples facettes de la notion d’engagement, nous avons décidé de rédiger ce dossier de Transitions sous différents prismes. Dans ces quelques pages, vous découvrirez tout d’abord un aperçu de l’évolution de la notion de l’engagement au fil du temps. Ensuite, nous analyserons l’enquête nationale réalisée fin 2022 sur le volontariat au sein de la population belge. Enfin, nous donnerons la parole à quelques volontaires qui ont accepté de nous raconter leur engagement auprès d’Iles de Paix.
Alors, être volontaire, c’est quoi ?
Si, à travers l’histoire, la notion d’engagement a pris différentes formes, elle a pourtant constamment été influencée par des facteurs culturels, sociaux, politiques et économiques. Avant la révolution industrielle, l’engagement était principalement lié à la religion ou aux traditions communautaires. L’engagement religieux impliquait souvent de fournir de la nourriture, un abri ou des soins aux personnes de la communauté dans le besoin, par exemple. Quant à l’engagement communautaire, il revenait notamment aux anciens, souvent responsables de transmettre les histoires, savoirs et pratiques traditionnelles.
Avec l’avènement de la modernité et l’industrialisation, le champ de l’engagement s’est élargi au-delà des obligations religieuses et communautaires. La société occidentale s’est laïcisée. De nouvelles préoccupations sociales et environnementales ont vu le jour, rapidement propagées par les médias et la démocratisation de la communication. De nouvelles formes d’organisation se sont développées pour répondre aux nouveaux besoins de la société moderne. Au fur et à mesure, la notion d’engagement volontaire a alors évolué vers des mouvements sociaux portant des revendications en faveur des droits humains, de l’égalité et de la justice.
Le mouvement des droits civiques, les luttes pour l’égalité des sexes et la montée du militantisme environnemental ont marqué ces dernières décennies, mettant en lumière le potentiel de transformation de l’engagement social et politique. L’engagement a donc encore évolué. Aujourd’hui, il englobe une variété de domaines tels que le bénévolat, le volontariat, l’activisme, le travail associatif et bien plus encore. Si les formes d’engagement ont changé avec le temps, leur essence reste fondamentalement liée à l’empathie, à la solidarité et à la volonté de créer un impact positif dans la société. L’histoire de l’engagement témoigne de la capacité de l’Humanité à se rassembler pour des causes qui tiennent à cœur, en mettant en lumière la puissance collective de l’action volontaire et de la mobilisation sociale. L’engagement bénévole des citoyens est important pour notre société. Les volontaires identifient des besoins non comblés dans la société et se mobilisent pour y répondre. Cet engagement stimule par ailleurs le développement personnel des volontaires en renforçant leurs compétences, savoir-faire et expériences.
En parler avec les enfants
L’engagement est une notion sociale importante mais complexe. Iles de Paix propose différentes ressources pédagogiques pour pouvoir en discuter avec les enfants… Découvrez notamment une édition du Journal Des Enfants et le livret d’histoire « Nora »
C’est être engagé, comme de nombreux autres citoyens
Indispensables à de nombreuses organisations, les volontaires jouent un rôle crucial. Il est donc essentiel de comprendre les motivations qui les animent. Une enquête nationale, menée auprès de 2200 individus à la fin de l’année dernière, a examiné de plus près les raisons et les obstacles liés à leur engagement citoyen.
Posons le contexte… Qu’il s’agisse de s’engager aux côtés d’organisations telles que des associations sans but lucratif, des écoles ou des projets communaux (37%) ; d’aider régulièrement des personnes dans leur cercle proche (33%) ; de consacrer du temps à des œuvres caritatives (12%) ; ou de soutenir des organisations via des dons financiers ou matériels (51%), les citoyens belges s’engagent avec ferveur. Au total, c’est 78% de la population belge qui s’engagerait bénévolement, d’une manière ou d’une autre!
Leurs motivations ? Le désir de bien-être personnel, la volonté de contribuer à des causes nécessitant une main-d’œuvre, le sens du devoir civique, ainsi que le souhait d’élargir son réseau et d’acquérir de nouvelles compétences. Pour 85% de ces bénévoles, l’élément primordial est l’attrait pour la thématique couverte par leur volontariat. Sans équivoque, le
volontaire belge aime consacrer du temps pour des choses qui lui tiennent à cœur. A tel point qu’in fine, il consacre en moyenne 161 heures par an à sa mission de bénévolat ! Paradoxalement, pourtant, c’est aussi cet investissement de temps qui est l’un des principaux freins au bénévolat. Près d’un tiers (33%) des participants à l’enquête ont évoqué la difficulté de concilier bénévolat, vie professionnelle et familiale. Le temps n’est pas le seul obstacle, la santé (23%) et les problèmes de déplacement étant également cités.
Pour ceux qui trouvent cependant leur équilibre, la durabilité de leur engagement dépend de plusieurs facteurs. Notamment : le plaisir qu’ils en retirent, la bonne organisation au sein de l’association et sa légitimité. Bien que 70% des personnes ayant participé à l’enquête nationale estiment que leur engagement devrait demeurer flexible.
Enfin, l’enquête met en évidence les attentes des volontaires envers les organisations. Soulignant la nécessité d’efficacité et une bonne gestion du temps. Malgré les défis, 68% des bénévoles considèrent que leur engagement demeure une source d’énergie vitale, pour eux et pour la société.

A savoir
La principale différence entre le bénévolat et le volontariat est le niveau d’organisation et la formalité de l’engagement. Le bénévolat est plus informel et implique une variété d’activités, tandis que le volontariat est structuré et lié à des projets ou rôles spécifiques. Mais dans un but d’inclusivité, ce dossier utilise ces notions de manière interchangeable pour désigner toute forme d’engagement nonrémunéré au sein d’un association.
C’est se confronter à des questions complexes
L’enquête nationale le souligne : le volontariat est, entre autres, une importante source d’apprentissage pour ceux qui s’y engagent. Et cela implique parfois de mettre le doigt sur des sujets complexes. Récit.
25 mai 2023, à Mons. C’est avec humilité et discrétion que le conservateur au Mons Memorial Museum accueille un groupe d’une vingtaine de personnes piloté par Iles de Paix. Ces volontaires et employés se rassemblent pour parcourir ensemble l’exposition « Identités décoloniales : de l’Afrique à Mons ».
Ces dernières années, la Belgique et d’autres États occidentaux sont confrontés à des questionnements liant racisme et colonialisme. Mons n’y échappe pas. Manifestations, détériorations de statues, interpellations de citoyennes et de citoyens ne sont que quelques symptômes du mouvement qui questionne la place des reliques de la colonisation. Curieux de comprendre et contextualiser ces évènements, le Mons Memorial Museum s’est associé à Pitcho Womba Konga, un artiste belge d’origine congolaise. Ensemble, ils ont cherché à comprendre comment concilier l’Histoire et la mémoire, en interviewant des dizaines de Montois, sur leurs conceptions et leurs perceptions du passé colonial.
Ces interviews sont illustrées dans le musée grâce à des objets appartenant à ces Montoises et Montois. Nés de parents belges ayant vécu au Congo ou descendants de Congolais qui ont migré vers la Belgique, chacun de ces citoyens a une histoire à raconter, un lien visible avec la colonisation. Leurs objets, témoins statiques de l’Histoire, sont exposés sous les regards curieux du groupe de volontaires. Ceux-ci écoutent avec attention le conservateur. De temps en temps, l’un ou l’autre pose une question, intervient. Dans le groupe, certains sont nés au « Congo belge ». D’autres y avaient de la famille à l’époque. Alors, évidemment, les souvenirs résonnent avec ce qu’on entend dans le musée. Mais l’objectif de l’exposition n’est pas de rester confortablement dans son impression. Le conservateur met le doigt sur les sujets sensibles. Il challenge les interventions, déconstruit les récits, remet en perspective les témoignages et les stéréotypes qui y sont véhiculés. La discussion va bon train. Pourtant, chacun reste ouvert d’esprit et parvient petit à petit à reconsidérer certaines de ses conceptions initiales. Le groupe détricote les vestiges de cette partie de l’Histoire pour mieux comprendre la manière dont la colonisation influence encore aujourd’hui la mémoire collective.
« Il faut rassembler ce que les uns et les autres connaissent, pour ne pas enfermer les idées et encourager la réflexion ».
Paulette
À la sortie, les échanges continuent. Paulette résume: «Il faut avoir la volonté de se renseigner constamment. On ne peut pas juste recevoir l’information, il faut creuser, chercher à comprendre. » Emmanuel ajoute qu’il se sent « enrichi ! Bien que déjà très sensibilisé ». Pour Michel, cette visite le fait réfléchir sur ce pan de l’Histoire : « Quand on parle de colonisation, on a l’impression que c’est derrière nous. Pourtant, il y a encore des cicatrices et même des blessures ouvertes chez certains. Je me rends compte que j’ai besoin de continuer à ouvrir le dialogue sur ces questions de décolonisation. » Béatrix, elle, conclut : « Mes liens familiaux avec l’Afrique sont nombreux… Tous ces témoignages m’ont permis de réaliser que chacun entretient une relation spécifique avec cette période de colonisation. Comprendre ça, est déjà une tâche en soi. Il faut écouter les différentes perspectives sur la décolonisation. Le dialogue est incontestablement la voie à suivre pour progresser sur la voie de la décolonisation. J’irai revoir l’expo la semaine prochaine en compagnie d’un groupe d’amis congolais et rwandais. J’ai hâte d’engager un dialogue avec eux par la suite. »
Être volontaire aux côtés d’associations revient à s’exposer parfois à des questions difficiles. Un volontaire doit donc pouvoir compter sur une information exhaustive et un bon accompagnement lorsqu’il s’engage dans la lutte contre les discriminations et les injustices qu’elles soient sociales, économiques ou politiques. Car s’engager à créer un impact positif sur la société, c’est aussi cela : être interpellé et déconstruire, être inspiré et reconstruire.

C’est Christine, Michel, Bénédicte et tous les autres
Chez Iles de Paix, nous bénéficions de l’engagement précieux de centaines de bénévoles. Saviez-vous que certains volontaires s’occupent des relectures du Transitions chaque trimestre ? Que d’autres encodent les dons chaque semaine ? Qu’en hiver, plusieurs d’entre eux prennent régulièrement la route pour réaliser des animations de sensibilisation dans les écoles ? Qu’ils sont nombreux à préparer le week-end de récolte de fonds des semaines, parfois des mois, à l’avance ? Où qu’ils soient, quoi qu’ils fassent, leur engagement nous est indispensable. Pour ce dossier, trois d’entre eux ont accepté de se présenter.

Christine Stache
J’ai 63 ans. Maman de trois enfants et cinq fois grand-maman, il y a 44 ans que je suis mariée. Je suis aussi une ancienne enseignante retraitée depuis. A la suite de cela, je me suis engagée à aider Iles de Paix en janvier 2021. Connaissant les besoins de l’ONG et y étant sensible, je voulais être utile à une cause. Mais aussi rester au contact de la vie active et profiter de la sympathie de collègues. Dans ma mission de volontariat, je travaille avec l’unité des finances, en encodant différents dons. Je m’occupe aussi de la recherche de nouveaux donateurs. En moyenne, je dédie quatre à cinq heures par semaine à ces activités. Pour mener à bien ma mission, les qualités nécessaires sont l’organisation, la mémorisation, la discrétion, la disponibilité et la motivation ! Par ailleurs, je consacre aussi du temps à d’autres bénévolats en rapport avec la protection de la nature. Cela pour varier les activités !

Michel Lambillon
À 67 ans, je suis marié depuis 40 ans. Nous avons trois enfants, un petit-fils et une petite-fille qui naitra mi-décembre. Ayant été enseignant pendant 40 ans, mon premier engagement fut lié à la campagne de récolte de fonds dans mon école. J’y ai lancé une cellule Nord-Sud avec des élèves de fin du secondaire, ce qui engendra deux voyages au Burkina Faso. Nous sommes devenus témoins des actions d’Iles de Paix. Au moment de ma prise de pension, en 2019, je me suis proposé comme animateur volontaire dans les écoles. Il me fut proposé aussi de prendre part aux relectures de documents produits par Iles de Paix avant leur publication. Je dois combiner toutes ces activités avec ma vie de famille, le babysitting de mon petit-fils et mon travail de volontariat au sein de deux organisations. Mais en imaginant ma vie après ma carrière professionnelle, il était évident que je voulais m’engager chez Iles de Paix. La philosophie, les engagements dans les actions, l’intelligence des projets, cela correspondait à mon regard sur le monde. Si vous connaissez la légende du colibri qui s’engage dans l’extinction d’un feu de forêt, c’est une bonne image. Donc Iles de Paix me semblait (et je le crois plus encore maintenant !) propice à rendre ce monde un peu plus « juste ». J’ai l’impression d’apprendre beaucoup avec les gens de l’équipe, lors des différentes rencontres. C’est très motivant de voir les personnes qui y travaillent. Je suis nourri intellectuellement et humainement, dans des réflexions-actions où la solidarité, le respect de chacun, l’envie d’un monde meilleur et plus juste sont des valeurs qui rejoignent les miennes. Mon volontariat m’apporte un peu de rassurance : si le monde est en difficulté, il y a des personnes qui cherchent, proposent et mettent en place des solutions durables. Je me sens faire partie de cette équipe.

Bénédicte Nyssens
Maman de 4 enfants désormais indépendants, j’ai 57 ans et vis à Tournai. Je me suis engagée personnellement auprès d’Iles de Paix, il y a environ 20 ans. Mais, dans les années 70, nous participions déjà en famille à la récolte de fonds dans mon village. Quand je me suis engagée, ici, à Tournai, j’ai assez rapidement pris la relève d’Yvette Bertouille qui, ayant été secrétaire de Dominique Pire, avait le feu sacré ! Elle me l’a communiqué, ainsi qu’une implication vraiment importante : la responsabilité de la campagne de récolte de fonds dans le Hainaut Occidental ! Si l’on compte tout (réunions, autorisations, recherche de vendeurs, permanences, vente, comptes, cloture, etc.), l’organisation de la campagne me demande actuellement environ 4 semaines de travail. Le quotidien en est assez lourdement impacté car, à cette période de l’année (ndlr. en hiver), je vois tout au travers de cette campagne et il vaut mieux ne pas me croiser… au risque de se faire embaucher ! Ce qui me motive, c’est sans doute le fait de connaitre l’opération depuis l’enfance. Par la suite, découvrir le sérieux, la motivation et l’efficacité de l’équipe d’Iles de Paix ici et sur le terrain m’a amenée à ne jamais remettre cet engagement en doute. L’esprit de l’association, de la co-construction des projets, les résultats obtenus là-bas, la conscientisation du public ici sont d’autres aspects qui m’animent. Et puis également l’occasion de contacter de potentiels vendeurs et de renouer avec les uns et les autres. Cela m’apporte une intégration dans mon lieu de vie, avec des contacts multiples et variés. J’ai l’impression d’ajouter ma toute petite pierre à l’édification d’un monde plus juste.
Dans les pas de Dominique Pire
Engagé aux côtés d’Iles de Paix depuis presque soixante ans, Moha Héni publie aujourd’hui son histoire, co-écrite avec un autre volontaire, Henri Badot-Bertrand. Leur livre est le témoin de la rencontre improbable qui survient en 1964, entre Mohamed Héni, dit Moha, et Dominique Pire. Très vite, un lien particulier se tisse entre le jeune homme, récemment arrivé en Belgique depuis un quartier de Tunis, et le Prix Nobel de la Paix et fondateur d’Iles de Paix. En recherche de sens, Moha est frappé par la simplicité de Dominique Pire, ainsi que par sa capacité à mettre chacun en valeur, dans le respect de son identité. Véritablement habité par cet esprit humaniste, Moha va mettre toute son énergie et sa capacité de mobilisation au service de ce visionnaire. Cette volonté se concrétisera notamment par le déploiement de la campagne annuelle d’Iles de Paix. Brique par brique. Module après module. Pour Moha, l’engagement reste fondamental aujourd’hui encore : « Une seule chose à faire : agir ».