Potagers scolaires : une leçon de durabilité


Ce dossier est tiré du numéro 138 du magazine Transitions.


Les potagers scolaires ont de plus en plus la cote. Dans un coin de la cour de récréation, sur une parcelle derrière les classes, sous les préaux apparaissent des bacs de plantes aromatiques, des potagers en carrés et d’autres espaces de cultures maraichères.

Auparavant, ces jardins scolaires étaient utilisés pour étudier les sciences agronomiques, à des fins de formation professionnelle agricole ou pour procurer des revenus à l’école. Aujourd’hui, l’intérêt croissant de la société pour les questions d’écologie, de santé et de nutrition, ainsi que l’émergence de pédagogies actives, contribuent à un regain d’intérêt pour la mise en place de potagers au sein des écoles.

En 2021, douze écoles béninoises et belges, désireuses de faire vivre des potagers dans leurs classes et d’échanger sur cette expérience, se sont lancées dans le projet Potagers du Monde proposé par Iles de Paix. Dans ce numéro de Transitions, nous vous partageons les fruits de cette expérience.

Une des vocations premières des jardins scolaires est de servir de support éducatif pour les élèves. Partout dans le monde, ces potagers favorisent les apprentissages à différents niveaux. Leur intérêt pédagogique principal consiste à apprendre aux enfants et aux jeunes comment se nourrir durablement, comment cultiver, récolter, conserver et préparer des fruits et des légumes, à découvrir par la pratique les cycles de la nature et de l’alimentation.

Mais il permet également de traiter d’autres thèmes et d’autres matières comme les sciences, les mathématiques, la géométrie, la géographie ou encore la compréhension à la lecture. Le jardin est alors utilisé comme un laboratoire d’expériences pratiques, dans lequel l’élève devient acteur de ses apprentissages. On constate, par ailleurs, que le potager à l’école peut être particulièrement bénéfique pour les élèves en difficulté scolaire en permettant à certains de renouer du lien avec l’école en dehors de la classe.

Au-delà de leur intérêt purement pédagogique, les potagers scolaires sont de plus en plus considérés comme une approche favorisant une alimentation plus durable. En effet, ces espaces cultivés par les élèves avec l’appui de leurs enseignantes et enseignants permettent de produire de la nourriture de manière locale, de sensibiliser les élèves aux enjeux environnementaux et de les rendre un peu plus autonomes dans leur consommation alimentaire. Ces potagers à l’école ont de nombreux atouts, qui peuvent différer selon les contextes et les régions du monde.

Les jardins scolaires permettent aux élèves de découvrir les relations entre les plantes, les animaux et les écosystèmes, ainsi que ce qu’est la production durable et la consommation responsable. Ils peuvent comprendre les différentes étapes de la production alimentaire, de la semence à la récolte, et devenir plus conscients de l’importance de consommer des aliments frais et de saison.

Ces potagers, en produisant de la nourriture de manière locale, permettent également d’aborder la question de l’empreinte écologique liée au transport des denrées alimentaires. Ainsi, en cultivant leurs propres fruits et légumes, les élèves peuvent mieux cerner l’importance de soutenir les agriculteurs locaux et de réduire leur consommation de produits importés.

De plus, en encourageant les élèves à consommer des fruits et légumes frais, les potagers scolaires participent à leur éducation nutritionnelle et peuvent contribuer à une alimentation plus saine.

Enfin, les potagers scolaires donnent la possibilité aux élèves d’apprendre de manière pratique les compétences en jardinage et en agriculture durable, ce qui peut les motiver à les reproduire à la maison ou à poursuivre ces activités à l’âge adulte.

The Edible Schoolyard, un projet avant-gardiste
“The Edible Schoolyard” est un projet éducatif lancé en 1995 par Alice Waters, cheffe dans un restaurant renommé, dans une école californienne. Le projet mêle agriculture biologique et cuisine pour renforcer les compétences des élèves en matière de nutrition, d’environnement et de citoyenneté, au travers d’un jardin scolaire qui a la particularité d’être totalement intégré à l’enseignement dispensé dans l’école. Encore aujourd’hui, les élèves y sont sensibilisés, dès le plus jeune âge, à l’écologie et à la nutrition à travers toutes les disciplines abordées à l’école, et non pas en les enseignant comme des matières à part. Cette expérience fait aujourd’hui référence et a permis le lancement de programmes similaires dans plus de 5 000 écoles aux quatre coins du globe.

Le potager du projet «The Edible Schoolyard» de l’école Martin Luther King Jr. à Berkeley, en Californie.

Des défis à relever

Bien que les potagers scolaires présentent de nombreux avantages aux niveaux pédagogique, social, sanitaire et environnemental, certains obstacles peuvent nourrir la réticence des enseignantes et enseignants à se lancer dans ce type de projets.

En effet, les potagers demandent un entretien régulier en période scolaire mais également pendant les vacances. La préparation des sols, les semis, l’arrosage, le désherbage nécessitent des compétences spécifiques. Les enseignants doivent donc disposer de connaissances, d’expériences, d’aide technique et de formations, notamment pour faire coïncider le rythme des récoltes et le rythme scolaire.

Le nombre élevé d’enfants par classe ainsi que la charge de travail des enseignants, notamment l’augmentation des tâches administratives, représentent également un frein à l’engagement des écoles dans des projets tels que les potagers scolaires. La mise en oeuvre de potagers peut également amener des tensions entre les classes et au sein de l’équipe pédagogique si l’ensemble de l’établissement scolaire ne prend pas part au projet.

Par ailleurs, l’accès à un terrain cultivable accessible pour les élèves, à l’eau, aux semences ou au compost, ainsi qu’aux outils nécessaires n’est pas toujours évident, en particulier dans le contexte des pays du Sud mais également en Belgique. Il arrive aussi malheureusement que des actes de vandalisme ou de vol de légumes ou de matériel soient observés.

Projet Potagers du Monde à l’école Sainte-Thérèse de Cobly au Bénin.

Potagers du Monde : Succès au Bénin et en Belgique

En 2021 et 2022, Iles de Paix a accompagné plusieurs écoles, au Bénin et en Belgique, dans le cadre du projet « Potagers du Monde »1. Plusieurs classes de Wallonie et Bruxelles et du Nord du Bénin ont ainsi été mises en contact et accompagnées dans le développement de potagers scolaires agroécologiques. Le projet a permis à près de 700 élèves de prendre conscience des actions qu’ils peuvent mener en faveur d’une alimentation plus durable, tout en apprenant et en échangeant sur l’expérience partagée autour de leur potager.

L’école Saint-Joseph à Spy fait partie des écoles belges impliquées dans le projet. Ethel Ernoux y est enseignante. Elle souligne l’intérêt pédagogique du potager pour apprendre l’origine des aliments, que les enfants connaissent de moins en moins, même s’ils vivent à la campagne entourés de fermes. Par ailleurs, ajoute Ethel, « il y a moyen de relier le potager à toutes les matières. Tout ce qui est parcelles, carrés potagers, etc., on peut en faire de la géométrie, on peut calculer les espacements entre les graines, on peut faire du savoir-écrire pour relater ce qu’on a fait ou pour faire des listes de ce qu’il y a à faire, on peut faire des sciences… On peut le raccrocher aux programmes sans problème, même au cours de citoyenneté ». De plus, entretenir un jardin, c’est l’occasion de sortir de la classe, de pratiquer une activité physique et de reconnecter les enfants et les jeunes à une nature dont ils sont souvent de plus en plus éloignés. Pour Ethel Ernoux, il s’agit de l’intérêt premier du potager de l’école : « Pour moi, l’avantage numéro 1, c’est que les enfants sortent, soient en contact direct avec la nature, ce que beaucoup ne font plus. »

Ce projet a été également l’occasion pour les élèves belges et béninois d’échanger sur l’expérience vécue au potager. Ils ont pu en apprendre plus sur la réalité que rencontrent d’autres personnes ailleurs dans le monde. Sandro Sciamanna, enseignant au Sacré- Coeur de Huy, retient surtout : « Les élèves, via les photos envoyées ont également pu comprendre les problématiques et réussites rencontrées par leurs camarades du Bénin. Le fait de s’adresser à des enfants de leur âge a permis plus d’enthousiasme, ils se sentaient plus concernés. D’une certaine manière, ils ont mieux pu percevoir leur quotidien, comprendre aussi toute l’importance de leur potager ainsi que leur investissement dans ce projet. » Grâce à cette expérience de correspondance, les élèves ont vécu un échange interculturel, faisant de leurs potagers de véritables vecteurs d’ouverture au monde.

“ Je me souviens de leur potager, il était bien plus grand que le nôtre, il était génial ! ”

Un élève de l’école Sacré-Coeur de Huy

“ Je suis contente de ce que j’ai appris avec mes amis et mes enseignants. Pour ne pas faire dépenser mes parents, je vais cultiver quelques légumes chez moi ”.

Sylvia, élève à l’école Sainte-Thérèse de Cobly.

Mener un projet commun favorise les liens sociaux, l’esprit de collaboration et l’entraide entre les enfants, ainsi qu’avec différents acteurs scolaires ou extérieurs à l’école (par exemple, les enseignants, des élèves d’autres classes, des parents ou grands parents qui donnent un peu de leur temps pour le potager, un apiculteur, un agriculteur, etc.). Ethel Ernoux met cet aspect en évidence : « Le potager crée des liens avec les autres. Quand on récolte quelque chose, on fait une recette et on la fait gouter aux autres classes. Et même avec les personnes extérieures : par exemple, à la fin de l’année, on avait trop de salades et nous sommes allés les donner aux voisins. » Alex Laleye, animateur pour le projet « Potagers du Monde » au Bénin, met lui aussi en avant le lien avec les parents dans l’organisation des jardins scolaires : « Les parents viennent acheter les légumes produits à l’école. Les enfants ont un rôle à jouer pour sensibiliser leurs parents sur les pratiques agricoles. » Lors d’une visite d’un des potagers du projet, il a rencontré une maman qui vantait les mérites des tomates cultivées à l’école : elles donnent un meilleur gout à la sauce et elles se conservent mieux que celles du marché.

“ J’ai appris à faire des semis. J’ai appris que si on arrose les feuilles au soleil, elles brûlent ”.

Léna, élève à l’école Saint-Joseph de Spy

Par ailleurs, les jardins scolaires peuvent servir d’inspiration pour les potagers à la maison. Ce que les enfants apprennent dans les potagers de l’école peut alors être mis en place chez eux. Alex le souligne : « Grâce aux sensibilisations dans les écoles, les enfants ont répliqué les jardins potagers à la maison. Les parents ayant vu l’approche, la production maraichère agroécologique, ont aussi adopté ces techniques-là. Ils ont appris cela par leurs enfants. » Hélène, élève à l’école primaire de Gnorgou, est très fière du potager qu’elle cultive chez elle : « J’ai du gombo, des haricots, des tomates, des piments. Je les récolte et nous les mangeons avec ma maman, mes petites soeurs et mes grand frères. »

Enfin, bien que les jardins scolaires ne permettent pas de produire suffisamment pour nourrir toute l’école, ils contribuent à l’éducation nutritionnelle des élèves et peuvent même faire la différence pour une alimentation plus équilibrée. Ainsi, au Bénin, les légumes des « Potagers du Monde » ont largement contribué à la réalisation de la sauce aux légumes des cantines. « Il y a eu une amélioration des repas, parce que les légumes issus des potagers ont contribué à l’alimentation des enfants à travers les cantines scolaires. Avant, il n’y avait pratiquement pas de légumes dans les cantines parce que l’Etat n’en donnait pas. Ce sont les parents qui devaient apporter les légumes pour alimenter la cantine. Parfois, il n’y en avait pas, c’était juste de l’huile et des oignons qu’on mettait dans le riz. La qualité nutritionnelle n’y était pas. Le potager a permis une diversité des légumes », explique Alex Laleye.

Mais l’entretien des potagers nécessite une attention régulière pendant l’année scolaire ains que pendant les congés. Ethel souligne cette contrainte : « En Belgique, une énorme difficulté des jardins potagers scolaires, c’est que la plupart des légumes arrivent en juillet-aout. Donc nous, nous faisons beaucoup de plantes aromatiques ou des légumes qui arrivent tôt dans la saison. Et on va essayer cette année des potirons, pour les récolter en automne. » Il importe également de pouvoir compter sur le soutien des familles et de la communauté pour faire vivre le projet tout au long de l’année. Au Bénin, dans les écoles accompagnées par Iles de Paix, l’implication des parents d’élèves permet d’entretenir les potagers, y compris pendant les vacances : « Pendant les congés, ce sont les parents qui veillent à ce que le jardin continue à s’animer, les écoliers et leurs parents font des permanences pour que le jardin puisse fonctionner jusqu’au retour des congés », explique Alex.

Au-delà des défis relevés et des premiers succès, l’année scolaire prochaine annonce de belles perspectives dans les écoles ayant participé au projet « Potagers du Monde. »

Envie de vous lancer ?
Vous souhaitez vous lancer dans la mise en place de potagers dans votre école mais vous ne savez pas par où commencer ? Vous n’êtes pas seuls !
Dans le cadre du projet « Potagers du Monde », Iles de Paix a collaboré avec l’ASBL Tournesol, une association spécialisée dans l’accompagnement de projets de potagers scolaires. Elle organise des formations à destination des enseignantes et enseignants qui souhaiteraient se lancer dans la réalisation de potagers dans leur école, ainsi que d’animations auprès des élèves. Au-delà des questions techniques liées à la mise en oeuvre de jardins scolaires, les ateliers proposés par leurs animatrices et animateurs regorgent d’idées pour intégrer les cours aux potagers et ainsi lier savoirs et saveurs. Vous pouvez les contacter via ce lien.

Jardiner à l’école pour contribuer à des systèmes alimentaires durables

Loin d’être un simple effet de mode, l’émergence des jardins scolaires permet à l’école de jouer un rôle actif pour promouvoir auprès des élèves une alimentation saine, respectueuse de l’environnement et de celles et ceux qui la produisent.

Les potagers scolaires offrent la possibilité aux élèves, partout dans le monde, de découvrir par eux mêmes comment sont produits nos aliments, et de se questionner sur la durabilité de notre alimentation. Ces moments passés dehors sont l’occasion de développer énormément de compétences dans toute une série de domaines, scolaires ou non, mais également de prendre conscience de l’importance de préserver notre environnement. Et bien que certains obstacles puissent se dresser lors de la mise en place de potagers au sein d’écoles, ceux-ci peuvent être surmontés en se tournant vers l’extérieur : voisins, parents, grands-parents, associations et autres acteurs de l’école peuvent jouer un rôle dans l’essor des jardins scolaires, favorisant ainsi également le lien social. Il nous apparait clairement que les potagers scolaires, où qu’ils s’implantent, bénéficient à un cercle bien plus large que la classe en charge du potager s’ils impliquent toute la communauté. Car c’est grâce à l’engagement d’enseignants et de leurs élèves ainsi qu’au soutien de toutes et tous que ces projets vont pouvoir perdurer. •

En savoir plus grâce au reportage Tidisaati !
Iles de Paix agit en faveur de l’émergence de systèmes alimentaires plus durables,
permettant d’assurer le droit à l’alimentation ainsi qu’une vie digne pour les agriculteurs, tout en respectant l’environnement. Eveiller les jeunes, en Belgique et à l’international, à l’importance de faire émerger de tels systèmes alimentaires est une mission qui nous tient à coeur ! Les élèves qui ont participé au projet « Potagers du Monde » s’investissent en faveur d’une agriculture familiale plus durable dans leur région. De nombreux autres acteurs se mobilisent également afin de soutenir les agricultrices et les agriculteurs du Nord du Bénin engagés dans cette voie. Le pouvoir dont ils disposent pour y arriver est au centre du dernier reportage réalisé par Iles de Paix au Bénin : Tidisaati. Vous pouvez le découvrir ici.

1 Ce projet a bénéficié du soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Direction générale Coopération au développement.


Ce dossier est tiré du numéro 138 du magazine Transitions.


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